Portraits intellectuels
On s’est beaucoup intéressé aux enregistrements des témoins, rescapés de la terreur nazie, survivants des camps de concentration ou du génocide des Juifs, cette pratique mémorielle s’est généralisée dans de nombreux pays qui avaient été traversés par des violences politiques. Le témoin est devenu un des acteurs principaux de la mémoire collective et des mémoires de groupes (associatives, communautaires). Mais s’est-on jamais intéressé d’enregistrer ces intellectuels qui, nés entre les années 1930 et les années 1970, ont progressivement, de concert ou isolément, forgé les concepts et les notions avec lesquelles l’on pense les questions testimoniales et mémorielles. Parfois, leur intention n’était pas d’intervenir directement sur ces questions, parfois, leur histoire personnelle les y a déterminés, parfois ils se sont intentionnellement « embarqués » dans ce champ d’investigation qui, à leur époque, n’en était pas encore un.
Cette série se constitue d’entretiens avec ces « intellectuels fondateurs des concepts et des notions » à partir desquels nous pensons le témoignage et la mémoire depuis les années 1980. Même si parfois nous nuançons ces concepts ou notions, et parfois sommes amenés à penser contre eux, ce sont des repères dans ce champ qui s’est peu à peu formé pour, aujourd’hui, traverser les disciplines universitaires, principalement les sciences humaines et sociales, et investir la culture et la société.
Du point de vue méthodologique, il nous a paru important de travailler sur deux fois deux niveaux. D’une part, l’interviewé mentionne quelques éléments biographiques quand ils sont déterminants pour sa pensée, y compris à propos de sa formation universitaire. D’autre part, l’approche se veut à la fois ciblée sur des concepts élaborés par l’auteur pour un public averti et de vulgarisation pour les profanes.
Philippe Mesnard (CELIS / UCA / IUF)