Le 25 mars dernier, le cinéaste Bertrand Tavernier disparaissait. Sa passion, son érudition et son sens du partage ont nourri des générations de cinéphiles. Auteur d’une trentaine de films, il a abordé de nombreux genres cinématographiques (à l’exception peut-être du western, genre qu’il aimait tant).
UN REGARD, UNE CONSCIENCE
Fils du poète René Tavernier qui avait fondé la revue Confluences et caché Louis Aragon à Lyon pendant la guerre, le cinéaste aimait à se présenter comme un enfant de la Libération. Son père l’avait souvent entretenu des années d’occupation et de la Résistance. Très tôt passionné par le cinéma, le jeune Tavernier va devenir l’assistant de Jean-Pierre Melville avant de passer attaché de presse. Durant ses jeunes années, il fonda également un ciné-club, le Nickel Odéon.
En tant que jeune cinéphile, Tavernier s’intéressait déjà à la politique. Il n’est en effet pas abusif de dire que le cinéma était pour lui, d’abord comme cinéphile puis plus tard comme cinéaste, un art politique dans la mesure où il est le produit d’un regard, d’une sensibilité, d’une conscience ; bref, d’un point de vue.
C’est certainement aussi pour ça que le cinéma de Tavernier a exploré de nombreuses périodes de l’histoire : du Moyen Âge (La Passion Béatrice, 1987) à l’occupation (Laissez-passer, 2002). On a pu d’ailleurs lui reprocher certaines fins, c’est-à-dire certaines prises de position, dans des films « historiques ». C’est ainsi que son deuxième long-métrage, Que la fête commence (1975), qui explorait le début du XVIIIe siècle avec la Régence, s’achevait sur un carrosse incendié par des paysans. Cet incendie en annonçait d’autres et d’aucuns ont considéré ce dénouement trop didactique et trop insistant. À la fin du Juge et l’assassin (1976), qui narrait l’affaire d’un tueur en série dans une France provinciale sur fond d’affaire Dreyfus, on voyait une fabrique occupée par des ouvriers et Isabelle Huppert chantant un hymne à la Commune, « La Commune est en lutte » écrite pour l’occasion par Jean-Roger Caussimon. Mais même si, sur cette dernière séquence, le cinéaste a reconnu plus tard avoir été maladroit, il n’en assumait pas moins l’état d’esprit de ces deux dénouements. En particulier celui du Juge et l’assassin où un carton final laissait entendre que si les crimes commis par le tueur sur de jeunes enfants étaient odieux, il précisait que 2500 enfants étaient morts dans le même temps « dans les mines et les usines à soie, assassinés ! » C’est assez dire que Tavernier avait le souci d’une mémoire factuelle également préoccupée d’une justice sociale.
Son premier long-métrage, L’Horloger de Saint-Paul (1974), avait déjà mis en avant une réflexion sur la justice. Un modeste artisan lyonnais apprend un beau matin que son fils a tué un homme. Comment comprendre ? Comment l’expliquer ? Le personnage réalise surtout à quel point son fils lui était étranger et le meurtre va agir comme un révélateur. Découvrant que son fils a supprimé un contremaître d’usine violent et sans scrupule qui abusait de sa position (notamment avec les jeunes ouvrières), cet homme tranquille s’engage à soutenir son fils mais découvre aussi que l’appareil judiciaire n’est pas là pour faire entendre la cause des gens modestes. Ce regard sur les milieux populaires, c’était aussi celui d’un cinéaste que Tavernier admirait, John Ford.
Mais c’est certainement avec Coup de torchon (1981) que la dénonciation est la plus féroce. Ce film était l’adaptation d’un roman particulièrement noir de Jim Thompson dans lequel un shérif débonnaire, dans une petite ville du Texas des années 1910, se mettait à décimer tous ceux qui l’avaient humilié pendant si longtemps. Tavernier, et son co-scénariste Jean Aurenche, avaient eu l’idée de transposer l’action dans une colonie française de l’Ouest africain à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Le réalisateur y dressait un portrait au vitriol d’une société fondée sur le racisme, la bêtise et tout ce que le colonialisme peut charrier de veulerie et de lâcheté.
Le parcours de Tavernier est ainsi tout entier construit sur une curiosité, une passion de l’autre et un sens de la justice qui ont donné à son regard une profondeur humaniste qui allait dans le sens d’une réflexion mémorielle. De fait, si le cinéma est un art de la mémoire, il est permis de dire que Bertrand Tavernier a su incarner durant toute son existence cette conception vivifiante du cinématographe.
UNE MÉMOIRE DU CINÉMA
La passion cinéphilique qui était la sienne faisait de lui un extraordinaire passeur et, en cela, il était une mémoire vivante du cinéma. Ses nombreuses publications (en tant que critique et en tant qu’historien du cinéma), ses interventions, dans différents médias, mais aussi dans des festivals, des salles et autres lieux, lui ont permis de partager sa science des films et de celles et ceux qui les font. Mais c’est surtout dans les bonus des DVD que l’on peut se délecter des interventions de Bertrand Tavernier, non seulement à propos de ses propres productions mais aussi de films d’autres cinéastes qu’il aimait et qu’il voulait défendre. Tavernier est en effet devenu cinéaste parce qu’il était cinéphile. Son intérêt pour le cinéma des autres l’a toujours porté. On se souvient ainsi de son entretien avec Rithy Panh à propos du film S21 lorsqu’ils s’interrogent tous les deux sur la manière de filmer la violence génocidaire.
C’est pourtant au cinéma français que Tavernier a consacré ses dernières œuvres filmiques avec le diptyque Voyage à travers le cinéma français. La première partie est un long-métrage de plus de trois heures, sorti en salles en 2016. Si le film revêt une dimension autobiographique, il permet surtout le déploiement d’un regard embrassant un large pan de l’histoire du cinéma français dans lequel on voit bien que la Seconde Guerre mondiale constitue une césure. On s’en rend compte avec la carrière de Jean Gabin ou encore avec le parcours de Jean Renoir. Tavernier rappelle ainsi que le réalisateur de La Règle du jeu a aussi été l’auteur de quelques lettres antisémites en 1940 et comment Gabin lui avait raconté que Renoir avait annoncé à ses comédiens son départ aux États-Unis afin d’y faire la promotion du régime de Vichy. Pour Tavernier, il y a les films – ce qu’ils montrent et comment ils sont faits – et leur contexte. Tel film fait sens dans telle époque avec laquelle l’œuvre entre en accord ou en désaccord pour en souligner les failles ou les dangers.
Mais c’est surtout à l’occasion de la seconde partie de son Voyage à travers le cinéma français, qui prend la forme d’une série en huit épisodes pour France 5 en 2017, que Tavernier met en avant des réalisateurs dont le travail explore des périodes ou des contextes saisis dans leur complexité. Les films deviennent alors des œuvres pleinement informées par une subjectivation du réel dans la mesure où elles sont le produit d’un regard, d’une sensibilité, d’une conscience. On devine que certains événements ont ainsi laissé de nombreuses traces, qu’il s’agisse du Front populaire ou de la Seconde Guerre mondiale. Tavernier s’attarde assez longuement sur cette dernière période en évoquant aussi bien le cinéma de l’occupation que l’écho du conflit dans les films d’après-guerre.
S’agissant du cinéma de l’occupation, Tavernier s’empresse de tordre le cou à une certaine idée selon laquelle cette période aurait coïncidé avec un âge d’or du cinéma hexagonal. Comment parler d’un âge d’or dans un pays occupé et meurtri et dans lequel un Lucien Rebatet pouvait déverser à l’envi son antisémitisme ? Mais il souligne également la probité de la plupart des professionnels du cinéma durant ces années ainsi que la qualité de nombreux long-métrages pourtant tournés dans une grande précarité tout au long de ces années d’occupation. Et si certains films ont pu faire écho aux valeurs défendues par Vichy, d’autres parvinrent à introduire des critiques sociales ou politiques particulièrement audacieuses comme Douce de Claude Autant-Lara ou Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot.
L’autre cliché battu en brèche par Tavernier est celui d’un cinéma français d’après-guerre qui se serait fait le chantre d’un pays unanimement résistant. Il cite ainsi Jéricho (1946) d’Henri Calef, consacré au bombardement de la prison d’Amiens en 1944 ou encore ce film composé de cinq sketches glaçants en 1949, Retour à la vie. Dans ce dernier, les lâchetés et les opportunismes sont pointés sans ménagement, qu’il s’agisse du « Retour de René » de Jean Dréville où un ancien prisonnier que sa femme a quitté voit son appartement occupé par un résistant de la dernière heure, du « Retour de tante Emma » où une survivante des camps revient alors que sa propre famille l’a spoliée de ses biens ou encore du « Retour de Jean » où un ancien prisonnier reconnait un tortionnaire nazi dans une pension de famille.
Pour autant, Tavernier n’occulte pas les réalités qui fâchent. À commencer par celle de Claude Autant-Lara qui signa des films militant pour l’objection de conscience pendant la guerre d’Algérie (Tu ne tueras point qui ne sortira en France qu’en 1963) ou le droit à l’avortement (Le Journal d’une femme en blanc en 1965 et Une Femme en blanc se révolte l’année suivante) alors qu’il finit par rejoindre le Front National pour lequel il se fit même élire député européen et qu’il tint des propos indignes et « impardonnables » selon Tavernier envers Simone Veil. Il évoque également Clouzot engagé comme chef du département scénario à la Continental, cette société de production financée par les Allemands pendant l’occupation, et qui pourtant, au-delà de cette embauche initiale, ne se compromit jamais. Le réalisateur de Quai des orfèvres put ainsi venir en aide à de nombreux Juifs pendant la guerre et signa, avec Le Corbeau, un film qui dénonçait la délation épistolaire tout en brocardant les valeurs promues par Vichy.
Il évoque encore des parcours de cinéma qui sont aussi des parcours de vie comme celui d’Henri Calef. Ce cinéaste juif et communiste avait refusé de quitter la France et de porter l’étoile jaune pendant la guerre. À la fin de celle-ci, il parvint à réaliser Jéricho, sur le bombardement de la prison d’Amiens, qui échappait à toute héroïsation gratuite. Le parcours cinématographique de Calef s’achève dans les années 60 avec L’Heure de la vérité. Un film hautement singulier qui narre l’itinéraire d’un commandant de camp d’extermination nazi qui, sentant le vent tourner à la fin de la guerre, va usurper l’identité d’un prisonnier (en se faisant tatouer un matricule sur le bras) pour refaire sa vie en Israël. Mais il finit par être démasqué à l’occasion de l’arrivée d’un jeune chercheur américain qui l’interroge sur le camp dont il est l’unique rescapé. Que faut-il alors faire de lui ? L’exécuter ou le condamner à vivre ?
UN CINÉMA DE LA MÉMOIRE
Tavernier envisageait le cinéma comme un moyen de comprendre le réel. Qu’il s’agisse de la fiction, du film de genre et bien sûr du documentaire, un film est aussi un outil d’investigation. Ce faisant, certains films s’inscrivent dans un temps long dans la mesure où ils explorent un passé qu’ils cherchent à comprendre pour mieux en garder la trace. Autrement dit, certains films font œuvre de mémoire. Deux films de Tavernier en particulier nous semblent relever de cette démarche. Il s’agit de La Guerre sans nom (1992) et La Vie et rien d’autre (1989).
Le premier, réalisé avec Patrick Rotman, est consacré à la mémoire de la guerre d’Algérie à travers la parole d’appelés du contingent. Ces hommes, répondant aux questions de Rotman qui mène les entretiens tandis que Tavernier s’occupe de la réalisation, parlent souvent pour la première fois de ce qu’ils ont vécu alors qu’ils avaient vingt ans. De fait, c’est un double modèle de transmission qui n’a pas fonctionné : un modèle intra-familial et un modèle extra-familial. Beaucoup disent en avoir très peu parlé dans leurs familles, à leur retour puis lorsqu’eux-mêmes ont fondé une famille. Mais ils n’ont pas non plus fait connaître leur expérience dans la société. Il faut dire que cette guerre, comme l’indique le titre du film, n’en avait pas le nom. Il faudra attendre 1999 pour que ce conflit soit officiellement reconnu comme tel, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. Sorti en 1992, le film vient ainsi rompre un silence de trente ans. C’est de ce silence dont il est question dans le pré-générique, les témoins évoquant une mémoire douloureuse, difficile, inutile même pour certains alors que d’autres voient dans le film une occasion de libérer la parole. Vient ensuite le générique durant lequel un vétéran âgé et couvert de médailles chante la « Marche du 1er Zouave » à l’occasion d’un banquet d’anciens combattants tandis que l’on découvre des paysages algériens. C’est ainsi que s’ouvre un film de quatre heures durant lesquelles le spectateur va entendre les récits d’appelés ou de rappelés aux parcours ou aux convictions diverses, de l’insoumis au sympathisant de l’O.A.S. Les paroles s’enchaînent avec des hommes évoquant leur départ, les combats, la peur, l’ennui, la fraternité, la colère mais aussi les exactions, la torture, le rapport à la violence ou tout simplement le sens que tout ça peut avoir pour un jeune homme de vingt ans. C’est un film qui sait écouter et qui, surtout, ne juge jamais. Les intervenants sont filmés à hauteur d’homme pour donner à voir, quelles que soient leurs positions par rapport à ces événements, leur sincérité et leur intégrité. Ce qui ressort, c’est à quel point ces hommes ont été marqués par ce qu’ils ont vécu en Algérie. À plusieurs reprises, il faut couper la caméra parce que les témoins ne peuvent pas continuer leur récit. L’émotion est palpable tout au long d’un film où le spectateur voit et entend ces anciens appelés qui semblent revivre les événements en les racontant. Outre la souffrance et la difficulté à parler, une grande amertume se fait jour chez la plupart de ces hommes. Amertume liée pour certains à l’issue des événements, pour d’autres à ce qui leur a été imposé, à ce qu’ils ont perdu en allant là-bas et aussi au fait que personne n’a voulu les écouter.
« Vous parlez souvent de votre guerre d’Algérie ? », ce sont les premières paroles que l’on entend. Cette question inaugurale, posée par Rotman, donne le ton d’un film qui entend faire advenir une parole et donner à voir une mémoire longtemps étouffée par la société française. Cette mémoire a la voix et les visages de quinquagénaires pour qui ce film est une occasion de parler, de sortir de cet illusoire rempart qu’est le silence. Si certains parlent pour réagir face à des allégations concernant les violences ou les tortures, d’autres parlent pour conjurer, pour partager, pour exister. Durant le film, la voix de Bertrand Tavernier se fait entendre pour situer ou présenter des personnes ou des situations. C’est notamment le cas au début du film lorsqu’il présente les choix qui ont été faits : uniquement des appelés ou des rappelés, des acteurs de terrain sans recourir à des politiques, des historiens ou des militaires de carrière. De la même façon, les documents présentés dans le film, photographies ou autres, sont tous des documents privés et non des archives officielles. La caméra de Tavernier, qui filme souvent en plan rapproché, jointe aux questions de Rotman, montre des mémoires particulières, à vif, dont l’agrégation finit par constituer une mosaïque complexe, socle d’une mémoire collective plus vaste.
Le second film de Tavernier à visée mémorielle qui nous semble important est La Vie et rien d’autre. De fait, ce n’est pas un film sur la Première Guerre mondiale mais sur la mémoire de ce conflit puisqu’il commence après la guerre, en octobre 1920. Une femme (jouée par Sabine Azéma) recherche son mari disparu et tombe sur le commandant Dellaplane (incarné par Philippe Noiret) qui dirige précisément un service de recherche des disparus. Plus exactement, Dellaplane commande le Bureau de Recherche et d’Identification des Militaires Tués ou Disparus (B.R.I.M.T.D.). Tavernier explique qu’il était tombé en arrêt devant le chiffre de 350 000 disparus durant la Grande Guerre. Outre l’ampleur du chiffre, il s’était aussi demandé quelle réalité pouvait recouvrir ce terme de disparu. Cette découverte est à l’origine du film.
Or le personnage de Dellaplane explique justement ce qu’est un disparu au début du film : « Un disparu, c’est un type qui peut être ou mort ou vivant ou moitié/moitié ; c’est-à-dire un cul-de-jatte, un sourd, un aveugle ou un amnésique comme ton copain là ou même seulement un déserteur et moi, je les ai tous sur les bras, les disparus. Alors je les photographie, je les classe, j’enquête, je fouine, et de temps en temps, j’arrive à mettre un nom sur une figure ou une figure sur un nom et ça fait un disparu de moins ».
Une partie du film se déroule à proximité d’un tunnel dans lequel un train sanitaire a explosé pendant la guerre. Il s’agit alors de dégager les décombres. Chantier vaste et surtout périlleux dans la mesure où ce train transportait également de l’artillerie, des munitions et du gaz. Aussi, lorsqu’une explosion intervient durant les fouilles, c’est la guerre qui fait retour. Il est alors permis de voir dans ce tunnel une métaphore de la mémoire : tout est enseveli mais tout est là. Il faut exhumer, identifier, transmettre. Le film offre alors le spectacle d’une mémoire au travail lorsqu’une séquence montre une longue table où sont exposées toutes sortes d’objets que des familles viennent identifier dans l’espoir de retrouver la trace d’un proche. C’est pourquoi La Vie et rien d’autre est un film sur la mémoire de ce que Dellaplane nomme à la fin du film une « inexpiable folie » qui coûta la vie à 1,5 millions de soldats français.
Comment transmettre alors la mémoire d’une telle hécatombe ? Grâce au soldat inconnu. En honorant la dépouille d’un soldat anonyme, on honore l’ensemble de ceux qui sont morts pour le pays. Mais se souvenir de celui-là, est-ce vraiment évoquer les autres ? N’est-ce pas plutôt les écarter et contribuer à désincarner une mémoire en faisant fi de toutes les singularités ? N’est-ce pas rendre abstraite une terrible réalité ? C’est ce que pense Dellaplane à qui on avait voulu confier la mission de retrouver des corps anonymes et qui s’y était refusé parce que pour lui, il ne peut pas y avoir de mémoire anonyme. Durant la cérémonie de désignation du soldat inconnu dans la citadelle de Verdun, il a ces mots : « Ça me désole mais eux [l’État-Major NDLR], ça les rassure. Ils en ont fait tuer un million cinq cent mille mais maintenant on ne pensera plus qu’à celui-là. Ce subterfuge est un scandale. » De tels propos ne sont guère étonnants dans la bouche de celui que son général avait traité de « dreyfusard » plus tôt dans le film. Ils le sont d’autant moins que Dellaplane avait expliqué à Irène comment le beau-père de celle-ci, sénateur, s’était entremis pour qu’un navire de nickel allemand capturé par les Français soit restitué à Krupp et ce, pendant la guerre. L’officier expliquait encore comment les troupes avaient effectué un repli stratégique de 22 km au début des hostilités livrant ainsi aux Allemands usines et hauts-fourneaux qui furent retrouvés intacts à la fin des hostilités. Et cela, toujours selon Dellaplane, au nom d’un principe de réciprocité qui fait que si l’on peut détruire des villages, raser des forêts ou dévaster des champs, on ne touche pas aux usines.
Dans un bonus de l’édition DVD de StudioCanal de 2001, Tavernier expliquait que son film était un film sur l’apprentissage de la paix et le retour à la vie. Choses impossibles sans mémoire. Il évoquait ainsi la nécessité de préserver la mémoire de certains événements. Il précisait la chose suivante : « si tout d’un coup, la terre a plus de mémoire que les hommes, alors, à ce moment-là, je pense que la civilisation est en train de péricliter ».
Cette remarque montre bien que si les événements avaient une importance pour Tavernier, c’est parce qu’ils bouleversaient les existences des êtres. Si nous avons choisi le titre « le cinéma et rien d’autre » pour cet article, ce n’est pas simplement pour faire référence au film dont nous venons de parler. C’est pour dire, non pas que le cinéma était tout pour Tavernier, mais qu’à ses yeux, il y avait tout dans le cinéma. ❚