Dans les régimes de terreur, la violence radicale est à la fois omniprésente et expulsée hors du champ du visible : vers des lieux construits à cet effet (camps), des sites naturels cachés (ravins, forêts, espaces vierges), des lieux déguisés sous leur ancienne affectation : écoles, forteresses, casernes, usines.
Ces sites se présentent aujourd’hui à notre regard tantôt patrimonialisés, tantôt abandonnés ou effacés. Ils nous sont « adressés » du fond même de cette invisibilité programmée et ambiguë. Cette ambiguïté vient tout autant du fait qu’ils étaient connus et craints y compris de ceux qui prétendaient ne pas les voir, que de la surexploitation spectaculaire de certains quand, aujourd’hui, ils deviennent des lieux touristiques ou cultuels, ou les deux à la fois. Le projet « sites mémoriels » se propose de les présenter en les situant, par contraste ou par contiguïté, dans le système normatif des institutions, des sites et des parcours sur lesquels repose aujourd’hui la vaste cartographie des mémoires qui couvre l’Europe tout entière, l’Amérique du Nord et du Sud et une partie du monde africain, asiatique et océanique.
Il ne s’agit donc pas là d’un guide touristique en ligne, mais d’une mise en relief des lieux de désastres et de leur irreprésentabilité au cœur même des dispositifs mémoriels qui tentent de les maîtriser, ou bien de pérenniser l’effacement commis par les criminels.