Entretien avec Robert Traba, directeur du Centre de recherches historiques de l’Académie des sciences polonaise à Berlin, le 18 août 2017, conduit, traduit et annoté par Delphine Bechtel.
Robert Traba est historien et directeur du Centre de recherches historiques fondé par l’Académie des sciences polonaise à Berlin. Il a fondé l’association culturelle Borussia et sa revue éponyme. Il a dirigé de nombreux ouvrages collectifs sur les contacts culturels entre l’Allemagne et la Pologne et les régions de confins notamment l’ex-Prusse orientale dont il est originaire. II est aussi l’initiateur de la publication en neuf volumes sur les lieux de mémoire germano-polonais.
Quelle est l’histoire de ce lieu, le Centre de recherches historiques polonais à Berlin, car c’est un bâtiment un peu particulier ?
Robert Traba : Cette maison a été construite en 1975 dans le style du Bauhaus socialiste, sous la RDA, pour être la résidence de l’ambassadeur de Pologne. Pankow était le quartier des ambassades de Berlin-Est. Après la réunification, l’ambassade a été transférée à Cologne et le bâtiment a été donné à l’Académie des sciences polonaise. En 2005, Bartoszewski1 a eu l’idée de fonder un institut de recherches à Berlin, sur le modèle du Centre scientifique polonais à Paris, rue Lauriston.
Comment as-tu commencé à t’intéresser à l’histoire ?
R. T. : Je dirais que cela vient de mon expérience familiale. Ma famille va fêter ses 100 ans d’émigration : ils sont partis d’un village de la région d’Ostrawa vers Montceau-Les-Mines, dans le Nord de la France. Mon père s’est engagé dans l’armée française, il a été fait prisonnier et a passé cinq ans au Stalag II-A. Il disait souvent que s’il avait été polonais, il n’aurait pas survécu. Puis, en 1947, mon grand-père et mon père ont décidé de revenir dans leur pays, c’était comme un devoir patriotique. Mais ma famille est restée différente, ils n’étaient ni catholiques, ni fonctionnaires du Parti, mais simples membres, comme ils avaient été à la CGT en France.
Et puis il y a la région : ma maison familiale est à Węgorzewo2. J’ai vécu durant 40 ans dans cette région de Varmie-Mazurie, autrefois la Prusse orientale, à Olstzyn (en allemand Allenstein), Frombork (en allemand Frauenburg). Et puis il y a l’image de Copernic, je me souviens de la célébration du 500e anniversaire de sa naissance, en 1973 : le contexte régional en Varmie était fascinant. Copernic était enraciné dans la région, mais aussi citoyen du monde. Ensuite j’ai étudié l’histoire à l’Université Copernic à Toruń3. C’est cela ma construction psychique : le sentiment de la différence, l’humanité. Mais je me définis aussi comme patriote, cela vient de ma famille.
Comment as-tu commencé à travailler sur l’ex-Prusse orientale ?
R. T. : Je voulais faire de l’histoire régionale, alors je suis retourné à Olsztyn où j’ai obtenu un poste de chercheur. J’ai d’abord travaillé sur l’histoire du XIXe siècle, sur les relations entre Allemands et Polonais à l’époque prussienne, le catholicisme politique en Varmie. J’ai publié un livre sur le sujet bien plus tard4.
Puis il y a eu le tournant de 1989 : j’ai pu obtenir une bourse pour Bonn, en Allemagne. En 1990, j’ai fondé l’Association Borussia5 et la revue culturelle du même nom. Tout était devenu possible. Avec les jeunes intellectuels locaux, nous voulions nous définir, nous raconter, raconter l’histoire oubliée de la région. Faire surgir le dialogue entre les différentes composantes de l’ex Prusse orientale : Allemands, Polonais, Lituaniens, Juifs, etc. Atteindre l’universel à travers l’histoire locale. Enfin, on pouvait parler des thèmes qui étaient restés tabou à l’époque communiste, comme l’expulsion des Allemands. Raconter l’histoire de la génération précédente : la guerre et ses suites.
Je suis rédacteur en chef de la revue Borussia depuis 1990. On peut vraiment parler de « création dans la durée ». Nous avons construit notre identité sur deux concepts : l’Atlantide du Nord et le « régionalisme ouvert ». Le mythe et la proximité avec le quotidien. Ce fut un succès. Énormément de gens sont venus de Russie, de Lituanie, d’Allemagne aux manifestations inaugurales sur l’héritage de la Prusse orientale. La télévision est venue. Nous avions aussi des ennemis, les nationalistes. Après 20 ans, je voudrais me retirer, ce sont les jeunes maintenant qui doivent continuer.
Est-ce à cause de cette consécration que, finalement, tu as été amené à quitter la région ?
R. T. : En 1995, j’ai été nommé chercheur à l’Institut historique allemand de Varsovie, puis professeur à l’université. C’est là que j’ai quitté Olsztyn pour Varsovie, puis en 2006 pour Berlin. Cela correspond aussi à l’air du temps : j’accumule des paysages, des expériences, des amis. Je suis l’hôte de ma propre vie. Je suis partout chez moi là où j’ai des amis et là où j’aime revenir.
Comment es-tu arrivé à ce poste de directeur du Centre de recherches historiques polonais de Berlin ? Qu’est-ce que tu as voulu y faire ?
R. T. : Au début, j’ai hésité à me présenter. Cela me paraissait trop politique, c’était en 2005-2006, lors du premier gouvernement PiS (Parti de droite, Droit et Justice). Ce qui m’a motivé, c’est la possibilité de faire des grands projets. J’ai proposé une exposition sur les Polonais à Berlin et un livre sur les lieux de mémoire germano-polonais.
Montrer 300 ans d’émigration polonaise à Berlin était déjà une entreprise gigantesque. Cela a culminé avec une grande exposition sur le Berlin polonais organisée par le Musée de la ville de Berlin et le Musée National de Poznań en 2009. J’ai travaillé avec 200 personnes, il y a eu beaucoup d’autres manifestations : des conférences, séminaires, une université d’été, des publications6. Préparer une exposition de cette ampleur, c’était un énorme travail. Comment raconter l’histoire à un plus large public, utiliser l’image, les photos d’autrefois…
Le second projet, les lieux de mémoire germano-polonais7, a commencé en 2007 sur 10 ans. C’est 9 volumes, 5 en allemand et 4 en polonais, des milliers de pages. Les deux premiers volumes portent sur des lieux de mémoire communs mais pas forcément compris de la même manière (La Prusse, Dantzig/Gdańsk, la Silésie, le pacte germano-soviétique, la ligne Oder-Neisse, 1945, 1968, 1989, le communisme, la Shoah…). Le troisième volume aborde des lieux de mémoire parallèles mais qui ne se correspondent pas : les confins allemands/les confins polonais, Goethe/Mickiewicz, Beethoven/ Chopin, Versailles/Yalta, mais aussi des phénomènes culturels comme les voitures (Coccinelle, le Trabant et le Maluch) ou les émissions télé d’autrefois.
Notre travail montre à quel point les lieux de mémoire sont universels. Nous cherchons à découvrir le mécanisme à l’œuvre de manière transnationale, quelles valeurs portent ces lieux dans la construction des deux nations. Nous distinguons aussi ces lieux, il y a des différences régionales, confessionnelles, sociales, de genre, etc. Ils ne sont pas monolithiques, ils servent à la construction de l’identité nationale, mais ils recèlent aussi d’autres aspects.
Il s’agit d’une véritable œuvre, tu as fait un travail de médiation binationale et transnationale.
R. T. : Oui, nous avons fait une œuvre, mais toute la première année, nous avons réfléchi à une généalogie : les travaux de Nora pour la France, ceux de Michael Werner et Michel Espagne, d’Étienne François pour les lieux de mémoire franco-allemands. Ceux du chercheur viennois Moritz Csaky, avec lequel nous étions en contact permanent, pour les lieux de mémoire transnationaux. À partir de tout cela, nous avons réfléchi au couple Allemagne-Pologne. Le volume 4 est un recueil de textes théoriques sur la culture et la politique mémorielles.
Nous avons aussi fait un gros travail de traduction et de transposition, car les concepts utilisés dans le champ des recherches mémorielles dans les deux pays ne sont pas les mêmes. Nous avons découvert que les Polonais ne connaissaient pas Jan et Aleida Assmann et que les Allemands ne connaissaient pas l’œuvre de Stefan Czarnowski. Le volume 5 présente au public allemand ce que les chercheurs polonais ont pu écrire sur la mémoire. Maintenant nous avons un nouveau projet en cours, un manuel d’histoire germano-polonais pour les collèges. Deux volumes ont paru, deux sont encore à venir8.
J’ai beaucoup aimé le travail collectif que tu as initié autour d’un village totalement inconnu, Purda9, as-tu d’autres projets tournant autour de la mémoire des lieux ?
R. T. : Justement j’ai le projet d’écrire une histoire de la Pologne à partir des lieux, mais vue d’en bas. L’impulsion m’est venue après la lecture d’Emmanuel Le Roy Ladurie, de son histoire de France vue à partir de ses régions périphériques10. Je me suis dit que l’on pourrait écrire la grande histoire de la Pologne du point de vue de lieux tout à fait secondaires. L’expérience des lieux vue d’en bas. Le titre sera Les Archipels des lieux retrouvés (Archipelagi miejsc odzyskiwanych). Ça m’est venu du livre L’Archipel des hommes retrouvés, d’Igor Newerly11, qui traverse la Mazurie, c’est un texte un peu naïf, marqué par le réalisme socialiste, mais aussi par une utopie de l’éducation de l’homme qui lui venait de la philosophie de Korczak.
L’histoire à partir du paysage d’aujourd’hui, de ce qu’il nous laisse entrevoir. Je commencerai par l’histoire de deux villages, Klimontów et Małoszyce, situés près de Sandomierz, distants de 30 kilomètres. À Klimontów vivait le Dr Jakub Zysman, un médecin juif converti au protestantisme, qui soignait les pauvres gratuitement. Son fils Bruno Jasieński, né en 1901, fut l’initiateur du futurisme polonais, un grand poète qui a écrit Je brûle Paris (Palę Paryż, 1929). Il était communiste, mais a été fusillé à Moscou en 1938. Il y avait 60 % de Juifs à Klimontów avant la guerre, seules 5 familles sont revenues en 1945. Il y a eu un pogrome, les Polonais ont poursuivi les survivants avec des bâtons, les ont massacrés, parmi eux il y avait une femme enceinte12… Ça, c’est un récit incroyable.
Deuxièmement, 30 kilomètres plus loin, c’est Małoszyce, où Witold Gombrowicz est né 3 ans après Jasieński. Tous deux étaient obsédés par la polonité. Comme Iwaszkiewicz, qui s’installa à Klimontów et a écrit beaucoup de textes sur la région, mais sans jamais mentionner les Juifs. C’est incroyable, cette recherche de la polonité pure. Małoszyce est pour moi cette obsession de la Pologne qu’a aussi Gombrowicz… enfin, il est aussi anti-polonais, cela l’énerve. Il est polonais, mais aussi universel. Et puis je parlerai aussi d’autres lieux : Olsztyn, Purda, Kielce, Bielsko-Biała et Cieszyn, et autant de déclinaisons de la polonité.
Comment concilies-tu le travail d’historien et le fait que ton poste a forcément une dimension politique, peux-tu donner des exemples où tu as été amené à prendre position ?
R. T. : Lors de la diffusion du feuilleton Generation War13, le gouvernement, Plateforme civique à l’époque, a hurlé au scandale. Ils ont exigé de moi une prise de position. Alors j’ai organisé un workshop, on a visionné le film, les participants ont écrit ce qu’ils en ont pensé. Pour ma part j’étais très critique. Le feuilleton montre six jeunes Allemands durant la guerre, dont l’un est juif. Ils sont jeunes, on peut s’identifier à eux, et puis la guerre, l’incorporation dans la Wehrmacht les transforme. Un poète devient criminel, un patriote se transforme en déserteur. C’est très bien fait. Ce sont « nos pères et nos mères » pour les Allemands. Or, qui ne fait pas partie du groupe ? L’officier SS Dorn. Cela signifie donc que les nazis sont à part, n’étaient pas « nos pères et nos mères ». Il aurait mieux valu montrer à quel point cette génération avait été endoctrinée. Le film correspond aux attentes du public : les nazis ce n’est pas nous. Le nazi, c’est le méchant, il tue même sa femme et son fils.
C’est ce que décrit Norbert Elias : le groupe dominant, pour se donner une image positive, cherche une minorité, des « marginaux », dont il veut se démarquer14. C’est une stratégie défensive qui existe aussi en Pologne : on veut croire que le pogrome de Jedwabne a été mené par la lie de la société, par des racailles. Ou bien on dit que le communisme, c’étaient les Juifs, pas les vrais Polonais, pas « nous ». L’autre problème du feuilleton, c’est une phrase qui décrit les résistants polonais de l’AK, l’Armée de l’intérieur, comme antisémites. Venant des Allemands, cela a fait scandale en Pologne. Il y a eu des protestations officielles de l’Ambassade15.
Peux-tu mentionner les publications récentes en Pologne qui ont changé pour toi le regard sur la guerre et ses suites ?
R. T. : Justement, il y a des voix nouvelles en littérature sur le thème des séquelles de la guerre. Trois livres ont paru récemment. Mykołaj Grynberg a rassemblé les récits de notre génération, des fils et filles des survivants juifs d’Auschwitz, qui vivent à Varsovie, Tel Aviv, New York, cette génération qui est venue après et dont on n’a jamais entendu la voix16. Anna Janko écrit l’histoire d’un village polonais de la région de Zamość qui a été brûlé par les nazis et dont presque tous les habitants ont été tués. Sa mère a survécu enfant, mais elle est restée traumatisée toute sa vie17. L’auteur restitue l’histoire de sa mère, mais aussi celle de la génération suivante, la sienne et celle des fils et filles de ceux qui ont vécu le désastre. Magdalena Tulli décrit, elle aussi, comment elle s’est libérée du poids d’une mère froide, névrosée, traumatisée, qui était rescapée d’Auschwitz18. Ces trois livres décrivent bien l’expérience de ma génération, celle qui a vécu dans le sillage de la guerre, après celle des témoins. Maintenant cette génération raconte son point de vue sur ce qui s’est passé. C’est une voix qui n’a pas encore pu s’exprimer vraiment en public.
À cause du discours officiel du temps de la République populaire, je ne voulais rien savoir de la guerre. Je n’y voyais que de la propagande. Moi aussi, je n’ai appris l’histoire de mon père qu’après sa mort. Il voulait raconter, mais je ne voulais pas entendre. De toute manière, il avait été Français… J’avais honte de mon père car il avait été interné dans un Stalag et pas en camp de concentration. À la télé, dans les livres, il fallait avoir été résistant ou déporté, pas prisonnier. Il y a une théorie qui dit que seule la quatrième génération peut se libérer du traumatisme. Trois générations doivent passer pour arriver à oublier…
En 2015, pour l’anniversaire de la libération du Stalag de Fünfeichen, où avait été mon père, j’ai écrit un petit essai là-dessus. Markus Meckel, le responsable allemand des tombes de guerre, a lu mon essai et il a invité trois anciens prisonniers : un Russe, un Yougoslave, et mon père.
Que penses-tu des débats récents sur l’implication de la résistance polonaise dans la Shoah ?
R. T. : J’ai publié des articles de Jan Gross dans notre revue, il décrit comment les Polonais ont dénoncé les Juifs, ont volé leurs biens. Mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec lui, car la Shoah est quand même une invention allemande. Les policiers juifs n’étaient pas des collaborateurs. La police polonaise était dans une situation très difficile. Ce sont les Allemands qui ont fait la Shoah, l’action Reinhardt a fait 1,7 millions de victimes juives en Pologne, en très peu de temps. Il a fallu toute une administration, Globocnik à Lublin, il faudrait aussi mentionner la milice ukrainienne, les Trawniki, c’est seulement après tout cela qu’on peut parler des crimes commis par les Polonais19. Même s’il y a eu des délateurs et des collaborateurs, il faut mettre tout cela en perspective. Il y a même un scandale au sujet du terme « les camps polonais ». Mais ces camps ont été construits par les Allemands et beaucoup de Polonais y sont morts20. C’est compliqué.
Que peux-tu dire sur ce qui se passe actuellement en Pologne ?
R. T. : J’étais en Pologne cet été et je suis resté sous le choc. C’était un déluge de haine. On célébrait l’anniversaire du soulèvement de Varsovie. Aucun autre événement historique ne cristallise autant les émotions et justement ce jour-là, il y eu un spot de 40 secondes à la télé pour dire que les Allemands nous avaient tués et qu’ils devaient continuer à payer. Et puis tout un tas d’émissions antiallemandes. C’est la construction classique de l’image de l’ennemi. Mais pourquoi aujourd’hui ? Pour la cohésion nationale ? Parce que l’Allemagne a de l’argent, que le gouvernement est contre l’UE ? Et puis il y a tant de xénophobie en Pologne. Et la corruption des élites… Le PiS s’est rendu populaire par sa politique sociale et familiale, un domaine qui avait été délaissé par le gouvernement précédent. Il a augmenté les versements à 500 zlotys par mois à partir du 2e enfant. Les gens simples sont satisfaits dans la vie quotidienne, ils continueront de voter pour le PiS.
Quels sont tes projets maintenant ?
R. T. : Cet été, ma mission à Berlin s’achève après plus de 10 ans. Je vais retourner travailler à Varsovie, mais j’habiterai à Olsztyn. C’est ma région natale, c’est là que j’ai ma famille, mes amis, la nature est magnifique. Et il y a ce mélange d’influences culturelles qui m’est cher.
1 Władysław Bartoszewski (1922-2015), résistant, actif dans la Commission d’aide aux Juifs Żegota pendant la guerre, historien, opposant au régime communiste, puis homme politique.
2 Węgorzewo, autrefois Angerburg, en ex-Prusse orientale, tout près de la frontière avec l’actuel oblast de Kaliningrad. La Varmie (Ermland en allemand) a été conquise par les chevaliers teutoniques sur les populations baltes. Elle est passée ensuite sous la domination de la Prusse.
3 L’université de Toruń a été fondée en 1945. Elle porte le nom de Nicolas Copernic, né en 1473 dans la ville, alors nommée Thorn en Prusse royale, qui venait de se lieu au Royaume de Pologne. Copernic étudia à Cracovie et à Bologne et passa sa vie en Prusse dans l’évêché de Varmie à Frauenburg (aujourd’hui Frombork).
4 Robert Traba, Der politische Katholizismus im Ermland: Eine Studie zur deutschpolnischen Beziehungsgeschichte 1871-1914, Münster, Aschendorff, 2016.
5 Borussia est le nom latin de l’ancienne Prusse, région située entre la Vistule et la Memel, habitée au XIIIe siècle par la tribu balte des Borusses, avant sa conquête par les chevaliers teutoniques et sa germanisation progressive. Après 1945, la région a été divisée entre la Pologne et l’URSS. Voir le site de la revue http://borussia.pl/.
6 Le programme « My, berlińczycy ! » (« Nous Berlinois », en polonais) incluait l’exposition « Polski Berlin » (« le Berlin polonais ») ainsi que la publication de l’anthologie Berlin : Polnische Perspektiven 19.-21. Jahrhundert, dir. Dorota Danielewicz et Maciej Górny, Berlin, Berlin Story Verlag, 2008, avec des témoignages de Polonais célèbres ou non sur la capitale allemande.
7 Hans Henning Hahn & Robert Traba (dir.), Deutsch-polnische Erinnerungsorte, Paderborn, Ferdinand Schöningh, vol. 1 à 5, 2012-2016.
8 Résultat du travail de la Commission germano-polonaise du livre scolaire, les deux premiers tomes ont paru sous le titre Europa – unsere Geschichte, Gemeinsames Geschichtsbuch für Polen und Deutschland, Wiesbaden, Eduversum, 2016 et 2017.
9 Magdalena Kardach, Janusz Pilecki, Elżbieta Traba (dir.), Purda 1900-2006 Portret wsi/ Gross Purden 1900-2006 : Portrait eines Dorfes, Olsztyn, Borussia, 2008. À travers des enquêtes sociologiques oubliées datant de 1946, des mémoires et des témoignages et des photos, l’identité collective de ce village des confins germanopolonais est retracée sur 100 ans dans un volume bilingue.
10 Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire de France des régions. La périphérie française, des origines à nos jours, Paris, Seuil, 2005.
11 Igor Newerly, Archipel ludzi odzyskanych, Varsovie, Czytelnik, 1950. Newerly décrit sa traversée de la Mazurie en kayak. Il était un proche collaborateur de Janusz Korczak à l’orphelinat et son texte est influencé par l’idéal de la création d’un monde meilleur pour les hommes et pour les enfants.
12 Sur le massacre des six Juifs survivants de Klimontów, voir Joanna Tokarska- Bakir, « Sumienie miasteczka K. Jak mordowano Żydów po wojnie », Gazeta Wyborcza, 5 mai 2017.
13 Unsere Mütter, unsere Väter (Nos mères, nos pères, traduit en France par Generation War), est une mini-série allemande en trois parties, diffusée en 2013. La série a été critiquée pour sa banalisation du nazisme à travers des personnages jeunes qui sont autant victimes que bourreaux et restent finalement sympathiques.
14 Il s’agit d’une référence à Norbert Elias et John L. Scotson, Logiques de l’exclusion : enquête sociologique au cœur des problèmes d’une communauté, Paris, Fayard, 1997.
15 Le sujet n’est pas simple : même si certains groupes de la résistance polonaise comme Żegota ont sauvé des Juifs, l’antisémitisme au sein de l’AK est souvent mentionné par les survivants juifs et les récentes études des historiens polonais comme Jan T. Gross, Jan Grabowski, Barbara Engelking et Alina Skibińska montrent que les partisans et les « soldats maudits » vus comme des héros ont aussi participé au débusquage et au meurtre des Juifs qui se cachaient des Allemands. Le gouvernement polonais actuel essaie justement de graver dans le marbre, y compris par la loi, le mythe des Polonais victimes ou résistants, en refusant de regarder les zones d’ombre.
16 Mikołaj Grynberg, Oskarżam Auschwitz. Opowieści rodzinne, Wołowiec, Czarne, 2014.
17 Anna Janko, Mała Zagłada, Cracovie, Wydawnictwo Literackie, 2015. Sochy est l’un des villages martyrs victimes des nazis, comme Oradour-sur-Glane.
18 Magdalena Tulli, Szum, Cracovie, Znak, 2014.
19 La vision de Robert Traba est peut-être un peu optimiste ici. Les recherches de ces dernières années portant sur la province et les campagnes polonaises ont montré que la police (policja granatowa), les brigades de pompiers, les gardiens de nuit, les doyens des villages et les villageois eux-mêmes ont activement participé à la « troisième phase de la Shoah », notamment la « chasse aux Juifs », les livrant à la gendarmerie allemande, quand ils ne les ont pas assassin.s eux-mêmes. Environ 200 000 Juifs auraient péri aux mains des Polonais alors qu’ils tentaient de se cacher, moins de 50 000 ont survécu. Cf. en anglais Jan Grabowski, Hunt for the Jews: Betrayal and Murder in German-occupied Poland, Bloomington, Indiana University Press, 2013, p. 172.
20 Le 6 février 2018, un amendement à la loi de 1998 sur l’Institut de la Mémoire nationale a été promulgué par le Président Andrzej Duda, criminalisant le fait d’attribuer à la nation polonaise la responsabilité de crimes liés à la Shoah. L’utilisation fréquente aux USA de l’expression « camps de la mort polonais » était notamment visée.
Publié dans Mémoires en jeu, n°6, mai 2018, p. 31-35.